La Lecture est un Soft Skill

Mis à jour le 11 mai 2021

Oui la Lecture est un Soft Skill !

Les bienfaits sont avérés à pratiquer ce sport contemplatif et de wellbeing qu’est la lecture, de livres littéraires et de fiction de surcroit.
C’est tout à la fois un mode de partage collectif ET un retour sur soi éminemment individuel, une méditation.

Antoine Compagnon titulaire de la chaire de littérature française moderne et contemporaine au Collège de France en parle avec justesse : « …nous lisons parce que, même si lire n’est pas indispensable pour vivre, la vie est plus aisée, plus claire, plus ample pour ceux qui lisent que pour ceux qui ne lisent pas. »
Construit immédiatement ou presque après l’acquisition du langage, lire devient un marqueur d’apprentissage ET de communication, particulièrement quand le jeu et le plaisir s’expriment.
Forme et fonds s’interpénètrent alors encore. Poésie, conte, chanson, jeu de mots.
Le partage par le conte et la lecture à voix haute par l’entourage affectif est souvent un déterminisme de plus, jusqu’à la découverte et la pratique de la lecture silencieuse. On s’immerge alors dans un monde d’une richesse inouie, où la langue raconte personnages et lieux, émotions et expériences, vécus en empathie par le lecteur. Imagination Et réalisme, voyage ET contemplation, ces faces apparemment opposées fusionnent alors sans difficultés.

Storytelling et chatbot

Le récit lu se greffe alors sur son propre récit de vie et construit doucement par écho (le fameux Bovarysme : Madame Bovary c’est moi !) ou par curiosité son identité. Pour Paul Ricoeur, dans « Temps et récits » cette identité est l’identité narrative, une expérience qui transforme tout lecteur et le pousse souvent à recommencer ! Le Storytelling, l’art de raconter, est une stratégie narrative qui vise à rendre empathique une histoire, une « story ». C’est devenu, là aussi, le grand médium du moment pour les marques et les individus sur les réseaux sociaux. On insère même du « fait » littéraire dans les capacités des Chatbots, ces IAs conversationnelles amenées à interagir avec nous sur internet…il n’y a pas de hasard !

Lecture, Soft Skills et Humanités

Les Soft Skills, items qui font florès aussi dans le monde de l’entreprise et du coaching, marquent le retour d’un vieux concept : Les Humanités.
Empathie, créativité, partage, appétence sociale, bienveillance etc…autant de facettes que l’on baptisait savoir-être mais que l’on scrute dorénavant comme vecteur d’une indiscutable recherche du bien être, de wellbeing portée par la fameuse génération Z. Celle-ci justement bouscule les acquis de leur entourage pro et perso, en remettant au centre du débat l’épanouissement de soi, le développement personnel que l’on ne veut plus sacrifier au profit de l’engagement professionnel et des compétences techniques (hards skills donc). La réussite, oui certes mais pas sans le sens !
Donc, les Humanités : au vieux sens justement des Universités, lorsqu’elles apparaissent à la toute fin du Moyen Age, autour des bibliothèques et autour du livre, créant par là-même le contexte nécessaire à la RE-naissance à venir.
Mais plutôt que d’érudition, je préfère nettement le terme d’éducation pour parler de la lecture. Autant utiliser le champs lexical étendu acquis par les lectures, il fait amplement autant sens que les mots en vogue non ?

Mystères et bibliothèques

Je peux enfin enchaîner sur deux réels plaisirs de lecture pour vous amener sur ce chemin bibliophilique.
En ouverture, David Foenkinos et son roman « le mystère Henri Pick« , qui fait dire à son personnage de M. Gourvec, bibliothécaire original : « …la question n’était pas d’aimer ou ne pas aimer lire, mais plutôt de savoir comment trouver le livre qui vous correspond  » .
Il a l’idée farfelue, de prime abord, de collecter dans sa bibliothèque bretonne, les manuscrits refusés. Une sorte de mausolée de l’inédit voir du non lu. Mais, en son sein se cache une pépite,un texte d’un certain Henry Pick du titre éponyme, disparu depuis. Il est exhumé des rayonnages délaissés par un couple formé par un…écrivain et une éditrice et l’enquête commence pour ne plus vous lâcher !
Ensuite, l’incipit, la première phrase du roman, de Carlos Ruiz Zafon « l’ombre du vent » est un vrai poème pour les amoureux de littérature et de livres :  » Je me souviens encore de ce petit matin où mon père m’emmena pour la première fois visiter le Cimetière des Livres Oubliés.  »
Barcelone, après guerre, le jeune Daniel est initié au rituel de l’adoption d’un livre oublié par son père, libraire de livres anciens. Le hasard, la destinée lui fait choisir un livre génial, mystérieusement tombé dans l’oubli « l’ombre du vent » de Julian Carax, auteur semble-t-il maudit et poursuivi par les sbires du franquisme. L’engrenage de la quête qui s’ensuit est jubilatoire !

Bibliothèques cachées et livres oubliés

Point commun de ces deux romans, la quête des personnages à travers deux textes et deux auteurs mystérieux et inconnus, au milieu de librairies anciennes, de bibliothèques cachées, refuges de livres oubliés.
Ils font penser à ces deux références tutélaires des textes magiques mettant en prise lecteur et lecture, personnage et auteur : Jorge Luis Borges dans « Fictions » et Italo Calvino avec « si par une nuit d’hiver un voyageur » .
Métaromans, mise en abyme, bien sûr, mais surtout jeu entre la réalité et la fiction, ce jeu justement mis en action dans le processus de la lecture.
Pour finir une autre citation issue de l’Ombre du vent :
« Rien ne marque autant un lecteur que le premier livre qui s’ouvre vraiment un chemin jusqu’à notre coeur. Ces premières images, l’écho de ces premiers mots que nous croyons avoir laissés derrière nous, nous accompagnent toute notre vie et sculptent dans notre mémoire un palais ou tôt ou tard – et peu importe le nombre de livres que nous lisons, combien d’univers nous découvrons-, nous reviendrons un jour. »
Qu’importe le flacon pourvu que l’on ait livresque !

Marc-Olivier Amblard

Réferences
Antoine Compagnon, la Littérature pour quoi faire ? , Fayard, 2007.
Un été avec Montaigne, France Inter et Editions des Equateurs, 2013.
Un été avec Baudelaire, France Inter et Editions des Equateurs, 2015.
vidéo « la littérature nous transforme » , Collège de France, 2013.

Paul Ricoeur, Temps et récit, Tome 1, L’intrigue et le Récit Historique, Le Seuil, Points Essais, 1991 (1983).
Temps et récit, Tome 2, La configuration dans le récit de fiction, Le Seuil, Points Essais, 1991 (1984).
Temps et récit, Tome 3, Le temps raconté, Le Seuil, collection Points Essais,1991 (1985).
David Foenkinos, Le mystère Henri Pick, Gallimard, Folio, 2018 (2016),
et entre autres Le Potentiel érotique de ma femme, Gallimard, 2004 ;
La Délicatesse, Gallimard, 2009 ; Les Souvenirs, Gallimard, 2011 ; Charlotte, Gallimard, 2014.
Carlos Ruiz Zafon, L’ombre du vent, Grasset, 2004 (traduction François Maspero !) qui appartient à un cycle de 4 tomes (des suites moins…jubilatoires).
Jorge Luis Borges, Fictions, Gallimard, Folio, 1983 (1951).
Italo Calvino, Si par une nuit un voyageur…, Seuil, 1981.

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