Mis à jour le 17 mars 2021
Image de sciences : Jusqu’à quel âge le cerveau fabrique-t-il des neurones ?
Nathalie Coré-Polo, Aix-Marseille Université (AMU)
L’image montre des neurones dans la région du bulbe olfactif sur une coupe de cerveau de jeune souris. Les différentes couleurs permettent de mieux comprendre le développement des neurones dans le cerveau de la souris après sa naissance. La présence concomitante de la fluorescence verte et de la fluorescence rouge ou orange dans une cellule permet de déterminer si le neurone nouvellement fabriqué (en vert) est un neurone à dopamine (rouge) ou à calrétinine (orange). Le bleu indique simplement le noyau de toutes les cellules présentes à l’image.
Le cerveau produit-il des neurones tout au long de la vie et pourquoi ?
Jusqu’au milieu du XXe siècle, un des dogmes majeurs des neurosciences considérait que les neurones étaient fabriqués uniquement avant la naissance, pendant le développement du système nerveux. Dès lors, le cerveau adulte ne pouvait qu’en perdre en vieillissant. Or, dès les années 90, ce dogme a été renversé par des études qui ont prouvé l’existence de cellules souches dans le cerveau de plusieurs organismes tels que les oiseaux, les poissons et les mammifères. Les cellules souches sont des cellules « mères » capables de donner naissance à tous les types cellulaires d’un organisme. Elles peuvent perdurer à l’âge adulte dans différents tissus ou organes avant d’éventuellement se différencier, c’est-à-dire de former des cellules spécifiques de l’organe considéré – dans ce cas, du cerveau.
On sait maintenant que le cerveau fabrique des neurones tout au long de la vie.
Il est maintenant bien établi que certains types de neurones continuent d’être produits à partir de ces cellules souches tout au long de la vie. Chez les mammifères, deux régions particulières sont concernées par l’apport continuel de nouveaux neurones : l’hippocampe, siège du contrôle de la mémoire et de l’apprentissage, et le bulbe olfactif, indispensable au décodage des informations sensorielles olfactives en provenance du milieu extérieur.
Ce renouvellement cellulaire (fabrique de neurones) permettrait une adaptation (ou « plasticité ») des circuits neuronaux à de nouvelles informations. Qui plus est, les cellules souches constitueraient également un réservoir cellulaire capable d’être réactivé en contexte pathologique lors de lésions cérébrales pour rediriger précisément la production de cellules neurales (neurones et glie) vers la région endommagée.
Derrière le terme générique de neurone se cache en fait une variété importante de types cellulaires, ayant des morphologies et des fonctions différentes. Une des énigmes de la neurogenèse est donc de comprendre comment des cellules souches d’apparence similaire peuvent générer une telle diversité de neurones. Les gènes ont un rôle important à jouer dans ce processus et il est donc essentiel de déterminer quels sont ceux qui sont requis pour fabriquer tel type neuronal plutôt de tel autre. Ces connaissances sont notamment cruciales pour développer des approches thérapeutiques qui consisteraient à détourner les cellules souches de leur fonction normale pour les forcer à produire de nouveaux neurones en remplacement de ceux altérés par la pathologie, dans le cas d’une maladie neurodégénérative par exemple.
Comment identifier la fonction d’un gène dans la formation de neurones ?
En modifiant l’activité de ce gène dans les cellules souches, soit en l’abolissant, soit en l’augmentant, et en observant l’effet de la modification sur le devenir des cellules souches : quel type de neurones sont-elles alors capables de produire ?
Chez la souris, il est possible d’introduire un gène, ou une molécule inactivant ce gène, directement et précisément dans certaines cellules souches du cerveau chez l’animal vivant, celles qui produisent les neurones du bulbe olfactif. Et pour pouvoir repérer les cellules ainsi modifiées, un gène codant pour une protéine fluorescente est introduit simultanément dans les mêmes cellules, dans le cas de cette image la « GFP » (verte). Il suffit alors de suivre les devenirs des cellules vertes dans le bulbe olfactif, et d’identifier le type des nouveaux neurones générés.
Pour cette étude-ci, le tissu a été traité par deux anticorps fluorescents (rouge et orange) afin de révéler la présence de protéines spécifiques dans les cellules, chaque anticorps interagissant avec une protéine particulière. Les cellules rouges et orange correspondent respectivement à deux sous-types de neurones présents dans le bulbe olfactif : les neurones à dopamine (neuromédiateur) et les neurones à calrétinine (protéine se liant au calcium). Les cellules vertes correspondent à de nouveaux neurones produits à partir de cellules souches modifiées au premier jour après la naissance, dans lesquelles la protéine fluorescente GFP a été introduite par manipulation génétique. Un neurone vert et orange indique que ce nouveau neurone est un neurone à calrétinine, et un neurone vert et rouge est un neurone à dopamine.
Nathalie Coré-Polo, Chargée de Recherche CNRS, Aix-Marseille Université (AMU)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.